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La protection des marques en noir et blanc ?

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Le présent article est dédié à la Communication commune sur la pratique commune du champ de protection des marques en noir et blanc publiée par le Réseau Européen des marques, des dessins et modèles le 15 avril 2014.

A quoi sert une telle convergence ? Les offices nationaux de Propriété Industrielle de l’UE étaient divisés quant à la portée de la protection des marques en noir et blanc, puisque d’autres optaient pour la protection globale, à savoir la protection des marques en noir et blanc pour toutes les couleurs et combinaisons des couleurs, tandis que d’autres étaient plus strictes et préféraient l’approche « ce que vous voyez est ce que vous obtenez » : les marques déposées en noir et blanc n’étaient protégées qu’en noir et blanc. D’où l’importance d’éliminer ces divergences d’interprétation, sources d’insécurité juridique parmi l’Union Européen. Cette communication s’adresse aux offices nationaux visant à une pratique commune pour le traitement des marques en noir et blanc et /ou en nuances de gris en matière de priorité, de motifs relatifs de refus, et d’usage sérieux. Ledit projet ne concerne que ces trois matières susmentionnées et il est expressément prévu qu’il ne traite pas des questions de contrefaçon. Pour des raisons de clarté, on va élaborer chaque différente matière séparément.

Tout d’abord concernant la priorité, il s’agit d’un droit établi par  la Convention de Paris du 20 Mars 1883[1] avec une durée limitée des six mois suivant le premier dépôt. La question qui nous intéresse est la suivante : une marque prioritaire déposée en noir et blanc ou en nuances de gris peut-elle inclure une revendication de couleur? Conformément à la communication, en matière de priorité les marques doivent être identiques au sens le plus strict du terme. Par conséquent, « une marque enregistrée en noir et blanc n’est pas considérée comme identique au même signe en couleur dans le cadre d’une revendication de priorité [2]», et vice versa. Cependant, il est précisé que les signes peuvent être considérés identiques autant que les différences de couleur sont si insignifiantes qu’elles passent inaperçues aux yeux du consommateur moyen. Dans le point 5.1.1 de la communication, une différence insignifiante est définie comme toute différence qu’un consommateur raisonnablement attentif ne percevra « qu’après une comparaison des marques par juxtaposition ».

Ensuite, une marque peut être refusée lors de son enregistrement « lorsqu’elle est identique  à une marque antérieure et les produits ou services pour lesquels la marque a été demandée ou a été enregistrée sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée »[3]. C’est ainsi que par rapport aux motifs relatifs de refus d’une marque, il convient de nous interroger si deux signes des versions en noir et blanc et en couleur peuvent être considérés comme identiques. Cette question a été tranchée par la Cour de Justice[4], selon laquelle les différences entre les versions en noir et blanc et en couleur d’un même signe sont habituellement perçues par le consommateur moyen et, partant, les signes ne sauraient pas être considérés identiques. Il existe néanmoins toujours une exception dans le cas où ces différences sont tellement insignifiantes et susceptibles de passer inaperçues aux yeux du consommateur moyen.

En matière d’usage sérieux, la communication nous rappelle la notion de l’usage d’une marque. La Directive 2008/95/CE[5] stipule qu’il est également considéré comme usage sérieux « l’usage de la marque sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas son caractère distinctif dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée ». A partir de cette définition, ladite communication énumère les conditions sous lesquels une modification de couleur n’altère pas le caractère distinctif de la marque, à savoir aux cas où[6] :

  1. Les éléments verbaux/figuratifs soient identiques et constituent les principaux éléments distinctifs,
  2. Le contraste des nuances soit respecté
  3. La couleur ou la combinaison de couleurs ne possède pas un caractère distinctif en elle-même
  4. La couleur ne soit pas l’un des principaux facteurs conférant à la marque son caractère distinctif global.

Par conséquent, l’usage d’un signe non-identique avec le signe déposé peut être considéré comme l’usage de ce dernier et le titulaire peut créer des variations de sa marque en respectant toujours les conditions cumulatives citées ci-dessus.

Finalement, les dispositions susmentionnées qui concernent les variétés des marques en couleurs valent aussi pour les nuances de gris. Cependant, il est signalé qu’en tous cas la protection accordée dépend du type de gris utilisé. Chaque office national est tenu d’adopter ladite pratique à une date différente, et le 16 Juillet 2014 elle sera mise en œuvre à tous les offices nationaux. Néanmoins, il y a deux exceptions : d’une part Italie, France et Finlande n’ont pas participé audit projet, et d’autre part Suède, Danemark et Norvège ne procèdent pas à l’adoption de cette pratique à cause de contraintes juridiques.


[1] Article 4, point A§2 : est reconnu comme donnant naissance au droit de priorité tout dépôt ayant la valeur d’un dépôt national régulier, en vertu de la législation nationale […]

[2] European Trade Mark and Design Network, Communication commune sur la pratique commune du champ de protection des marques en noir et blanc. 15 Avril 2014. page 10.

[3] Directive 2008/95/CE article 4§1 point a)

[4] Arrêt C-291/00 « LTj Diffusion »

[5] Article 10§1, point a)

[6] European Trade Mark and Design Network, Communication commune sur la pratique commune du champ de protection des marques en noir et blanc. Point 5.4.

La protection des marques en noir et blanc ?