Le système de la marque de l’Union Européenne et des dessins et modèles communautaire, mis en place par le règlement n°40/94 du 20 décembre 1993 pour les marques et par une directive du 13 octobre 1993 et un règlement du 12 décembre 2001 pour les dessins et modèles, a permis d’unifier la protection de ces titres sur l’ensemble du territoire de l’Union. Ainsi, un dépôt unique de marque ou de dessins et modèles auprès de l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO) permet d’être protégé dans les 28 Etats membres de l’Union.
Le 23 juin 2016, les citoyens britanniques ont eu l’occasion, lors d’un référendum national, de répondre à la question « Should the United Kingdom remain a member of the European Union or leave the European Union ? ». A cette question, les Britanniques ont voté majoritairement pour une sortie de l’Union Européenne.
De nombreuses conséquences sur les titres de propriété industrielle, notamment sur les marques et les dessins et modèles européens, devraient résulter de ce vote. En effet, avec la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne, la validité de ces titres sur le territoire britannique, jusque-là garantie par un dépôt unique à l’EUIPO, sera nécessairement remise en question.
Concernant les titres déposés après la sortie définitive et officielle du Royaume-Uni, ceux-ci ne couvriront vraisemblablement plus le Royaume-Uni, pays pour lequel une protection indépendante devra être demandée, soit par la voie d’un dépôt national soit via un dépôt international désignant le Royaume-Uni.
En revanche, concernant la protection des titres déjà déposés, la question de la pérennité de leur protection au Royaume-Uni est en suspend pour l’heure. Bien qu’il semble peu probable que ces titres perdent automatiquement toute protection avec la sortie du Royaume-Uni, les modalités ainsi que les coûts de maintien de la protection sont indéterminés à ce jour.
Plusieurs hypothèses sont envisageables. Les marques et dessins et modèles européens pourraient ainsi être purement et simplement scindés en deux parties, d’un côté le titre qui serait maintenu en tant que marque ou dessin ou modèle européen pour les 27 Etats membres restant, et d’un autre côté une reconnaissance automatique de ces titres au Royaume-Uni en tant que marque ou dessin ou modèle national sans aucune formalité.
Les titres de l’Union Européenne pourraient également être reconnus comme tels au Royaume-Uni jusqu’au moment de leur renouvellement. Le renouvellement serait alors l’occasion de solliciter de la part du titulaire de ces titres une formalité supplémentaire pour maintenir le titre au Royaume-Uni mais cette fois en tant que titre national.
Il est également envisageable que des modalités de maintien du titre au Royaume-Uni soient requises dès la sortie officielle du pays de l’Union Européenne afin de maintenir la protection de ces titres dans ce pays, telles que le paiement de taxes supplémentaires, la transmission à l’office britannique de formulaire sollicitant le maintien du titre, etc.
Enfin, un nouveau dépôt pourrait éventuellement être requis pour avoir une protection du titre au Royaume-Uni.
Concernant les titres européens déposés entre le 24 juin 2016 et la date de sortie réelle du Royaume-Uni de l’Union Européenne, ceux-ci devraient certainement bénéficier d’un statut transitoire, leur assurant par la suite une protection équivalente à celle des marques et dessins et modèles déposées avant le référendum.
Des conséquences sur les contrats relatifs aux titres de propriété industrielle sont également à prévoir suite à la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne, notamment sur les licences ayant effets au Royaume-Uni et pour lesquelles des avenants devraient être signés afin de pérenniser la portée des contrats dans ce pays.
La sortie du Royaume-Uni aura également des répercussions sur la règle de l’épuisement des droits. Selon cette règle, les droits de propriété industrielle européens s’épuisent pour les produits mis dans le commerce dans l’Union Européenne sous la marque protégée ou revêtant le dessin ou modèle protégé, lorsque cette mise dans le commerce est entreprise par le titulaire lui-même ou avec son consentement. La règle de l’épuisement des droits ne devrait donc plus jouer pour les premières commercialisations au Royaume-Uni.
Il est également à noter qu’en tant que membre de l’Union Européenne, le Royaume-Uni disposait de représentants au Parlement européen, au Conseil européen ainsi que devant la Cour de Justice de l’Union Européenne. Avec sa sortie de l’Union, le Royaume-Uni perdra sa participation et son droit de regard sur les décisions prises par ces différentes institutions, et impactant notamment les droits de propriété industrielle. Les tribunaux britanniques ayant compétences pour traiter des affaires relatives aux titres européens devraient également perdre leur compétence.
Pour l’heure, il est évident que la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne aura un impact sur les questions de propriété industrielle traitées au niveau de l’Union, sans que l’on sache exactement dans quelle mesure cette sortie aura des conséquences, ni quelles seront les modalités et les coûts nécessaires afin de les limiter au maximum. Des accords entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne devraient être conclus dans les prochains mois et permettrons de connaître le sort réservés aux titres européens de propriété industrielle.
©Cabinet Bleger-Rhein-Poupon 2016
Brexit : conséquences de la sortie du Royaume-Uni sur les marques de l’Union Européenne et les dessins et modèles communautaires