Le droit des brevets résulte d’un processus historique, au centre duquel on retrouve le souci des états d’accroitre la richesse nationale.
Un monopole d’exploitation
D’une manière anecdotique, un document grec rapporte qu’au VIème siècle avant JC, la Colonie de Sybaris accordait un monopole d’un an à l’inventeur d’une recette nouvelle et particulièrement savoureuse.
Plus tard, au XVème siècle, alors que plusieurs républiques italiennes accordaient des « privilèges techniques », Venise rédige une loi sur des monopoles de 10 ans, accordés à des inventions nouvelles sur son territoire, inventions qui doivent être également ingénieuses (sorte d’activité inventive) et « au point », ce qui permettait déjà d’éliminer la protection de concepts ou d’idées, ainsi que les projets n’ayant pas aboutis.
Du privilège royal au brevet
En Europe les monarchies en place accordent des privilèges royaux selon leur bon vouloir : pour renflouer les caisses ou récompenser des sujets loyaux.
L’Angleterre du XIVème siècle cherche à attirer sur son sol les meilleurs artisans d’Europe, en leur offrant un privilège d’exclusivité à durée limitée; le succès fut au rendez-vous et le pays connut, dès 1540, une expansion industrielle remarquable. Toutefois, ce système n’était pas du goût des corporations qui s’irritèrent de cette concurrence venue de l’étranger et un vent de révolte se développa à son encontre.
C’est pourquoi, en 1623, le Statute of Monopolies mettra fin au système des privilèges, au profit de Letters Patent, ou monopoles accordés pour 14 ans – correspondant à deux fois la durée d’apprentissage -, au 1er et véritable inventeur, introduisant sur le sol anglais des fabrications nouvelles : l’inventeur doit certifier qu’il n’a pas emprunté l’inventions à des publications antérieures et indiquer s’il en a reçu communication d’un tiers résidant à l’étranger.
Si chaque pays contribue à l’élaboration d’un brevet moderne, deux écoles s’affrontent quant au rôle que l’État doit y jouer !
Liberté, Egalité, Fraternité en France
La France abolit les privilèges dans la nuit du 4 août 1789, mais Mr de Boufflers parvient à réintroduire la protection des inventions par le droit de propriété, avec la notion de la propriété absolue de l’inventeur sur son invention, sans considération d’utilité pour la société.
Le brevet est accordé pour 5, 10 ou 15 ans, avec une taxe progressive. Le législateur-révolutionnaire, qui travaille « dans l’esprit de temps nouveaux » renonce à toute forme d’examen, laissant aux tribunaux le soin d’évaluer la nouveauté́, à partir « de découvertes déjà consignées dans des ouvrages imprimés et publiés », autrement dit l’état de la technique, puis de la jurisprudence naitra la nouveauté absolue :
Comme le texte stipulait « en langue européenne », on pensa que l’état de la technique pouvait avoir été́ rédigé́ en toutes langues. Comme il ne précisait pas si cet état de la technique devait être français, les tribunaux ont admis qu’il pouvait provenir de tous pays.
On doit enfin à Napoléon Bonaparte la loi de 1844, qui dégage l’état de toute responsabilité –notamment sur le bon fonctionnement de l’invention ou la suffisance de sa description- et institue les brevets SGDG « Sans Garantie Du Gouvernement », qui ne disparaitront qu’en 1968.
Pragmatisme aux USA
Dès le XVIIème siècle, les colonies britanniques s’inspirent du Statute of Monopolies anglais et font reconnaitre un droit moral et sacré de l’inventeur sur sa création. C’est un droit fondamental s’inscrit dans la constitution des Etats-Unis d’Amérique, puis dans la loi US de 1790, laquelle précise que l’invention doit être « useful and important ». La loi de 1836 impose l’examen des demandes de brevets sur la nouveauté, l’utilité et la suffisance de la description de l’invention, et fixe la durée de vie du titre à 14 ou 21 ans.
Entre 1830 et 1890 …
On doit à l’Autriche la publication systématique des brevets délivrés, puis aux américains le droit de priorité , pour une demande préalablement déposée à l’étranger; la Belgique sera la première à fixer sa durée de vie à 20 ans, et enfin les anglais imposent la présentation du monopole revendiqué au travers de claims ou revendications.
…à la fin XIXème siècle, le système de brevet, tel que nous le connaissons, entre en vigueur.
Petite histoire des brevets…