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Inventions des salariés

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La plupart des innovations techniques relevant d’une protection par brevet d’invention sont issues du travail de recherche et développement effectué par des individus susceptibles de détenir un statut de salarié.

Le droit des brevets français prévoit un certain nombre d’obligations et de droits qui s’imposent aussi bien à ces inventeurs salariés qu’à leur employeur.

Ainsi, au terme de son travail d’innovation, un inventeur disposant d’un statut de salarié est tenu d’informer son employeur du résultat obtenu, et ce quelle que soit la nature du contrat de travail qui le lie à ce dernier.

Il appartient au salarié d’accomplir cette formalité au travers d’une déclaration d’invention de salarié, dans laquelle après un bref descriptif de son invention, il classe cette dernière dans l’une des trois catégories prévues par le législateur, et la qualifie selon le cas :

  • d’invention « hors mission non attribuable »
  • d’invention « hors mission attribuable » ou
  • d’invention « de mission »

en tenant compte du contexte, de la nature de l’invention et de son contrat de travail.

Une telle déclaration d’invention de salarié peut être effectuée simplement sur papier libre ou au moyen d’un formulaire spécifique disponible sur le site internet de l’INPI puis envoyée par courrier avec accusé de réception.

L’employeur dispose d’un délai de deux mois après la réception d’une déclaration d’invention pour répondre à son salarié et accepter ou contester le classement de l’invention proposé par celui-ci.

Ces échanges sont effectués moyennant une obligation de confidentialité qui s’impose aux deux parties. Ils visent à prévenir tout futur litige et à définir d’emblée qui de l’employeur ou de l’inventeur salarié sera propriétaire de l’invention et par conséquent de l’éventuel brevet la protégeant.

  • Cas des inventions « hors mission non attribuables »

Lorsqu’il apparaît clairement qu’une invention ne présente aucun lien avec l’activité de l’entreprise considérée, qu’elle a été réalisée grâce aux moyens propres à l’inventeur, à qui aucune fonction inventive n’a été confiée par l’entreprise,   l’Art. L 611-7. 2), 1ère phrase du Code de la Propriété Intellectuelle dispose, dans sa première phrase, qu’elle appartient au salarié. Ce dernier en dispose par conséquent librement et est en droit de décider seul de l’opportunité d’une éventuelle protection et des modalités d’exploitation.

  • Cas des inventions « hors mission attribuables »

Cette catégorie correspond aux inventions effectuées par des inventeurs salariés dont les contrats de travail ne prévoient pas de mission inventive, mais qui ont néanmoins un lien avec le domaine d’activité de l’entreprise ou ont été effectuées avec les moyens de l’entreprise.

Au travers de l’Art. L 611-7. 2), 2ème phrase du Code de la Propriété Intellectuelle, le législateur a prévu que dans ce cas, l’employeur a la possibilité de revendiquer « la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant une telle invention ».

En contrepartie, l’employeur est tenu de verser au salarié inventeur « un juste prix » dont le montant est défini par accord entre les deux parties et qui correspond à la « valeur » de l’invention.

En d’autres termes, ce « juste prix » doit être déterminé au cours d’une négociation entre l’employeur et le salarié qui tiennent en principe compte de l’utilité industrielle et commerciale de l’invention et des apports initiaux de l’un et de l’autre. Ceci suppose de pouvoir isoler d’un côté le savoir-faire technique, technologique et intellectuel inhérent à l’entreprise, et de l’autre, l’apport spécifique du salarié, fruit de sa créativité.

En cas de litige concernant l’évaluation du « juste prix », les parties ont la possibilité de solliciter l’intervention d’une commission de conciliation ou du Tribunal de Grande instance de Paris qui en fixera le montant à partir d’un certain nombre de critères de calcul définis par la loi et la jurisprudence.

Dans un arrêt du 9 juillet 2013, la Cour de Cassation a précisé que le « juste prix » devait être évalué au jour où l’employeur exerce son droit d’attribution. Des éléments postérieurs à cette date, en lien avec l’exploitation de l’invention peuvent toutefois être pris en compte pour confirmer l’appréciation des perspectives de développement de l’invention. En l’espèce, la Cour a admis que soient pris en compte des éléments, apparus postérieurement, révélant l’intérêt économique et environnemental de l’invention. Dans cette affaire, l’inventeur a ainsi pu obtenir la somme de 320.000 € à titre de « juste prix » pour l’achat de son invention par son employeur.

Par ailleurs, à titre d’exemple, le montant du « juste prix », attribué récemment par la Cour d’Appel de Bordeaux à un inventeur ayant réalisé deux inventions pour lesquelles l’employeur a exercé son droit de préemption, permet de constater que celui-ci s’élève à environ 2% du chiffre d’affaires généré par les deux inventions (arrêt du 13 mars 2017).

  • Cas des inventions « de mission »

Conformément à l’Art. L 611-7. 1) du Code de la Propriété Intellectuelle, lorsque l’invention a été réalisée par un salarié « dans l’exécution soit d’un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d’études et de recherches qui lui sont explicitement confiées » elle appartient à l’employeur. Celui-ci en dispose librement et est en droit de décider seul de l’opportunité d’une éventuelle protection et des modalités d’exploitation de l’invention.

En contrepartie du droit qui lui est octroyé, l’employeur est tenu de verser, au salarié inventeur, une « rémunération supplémentaire » dont le législateur a simplement prévu que le montant peut être déterminé selon le cas par les conventions collectives, les accords d’entreprise ou les contrats individuels de travail (Art. L 611-7. 1) du Code de la Propriété Intellectuelle.

Là encore, en cas de litige concernant la détermination du montant de la « rémunération supplémentaire », les parties ont la possibilité de solliciter l’intervention d’une commission de conciliation ou du Tribunal de Grande Instance de Paris.

En pratique, l’évaluation de la « rémunération supplémentaire » est à ce jour souvent une question épineuse. Les clauses prévues dans les contrats de travail sont généralement suspendues à la volonté de l’employeur qui sera tenté d’y appliquer les bases de calculs les moins contraignantes pour l’évaluation d’un montant minimum. D’autre part, parmi les critères de calcul prévus par les conventions collectives et accords d’entreprise, tels que « l’intérêt commercial ou économique de l’invention », ou « l’intérêt technique de l’invention », aucun ne semble jugé prépondérant par la jurisprudence. Certains de ces critères ont même été considérés « réputés non écrits » par les tribunaux et par conséquent non applicables.

Aucune méthode de calcul propre, sur laquelle employeurs et salariés pourraient s’appuyer pour parvenir à un accord, n’ayant été prévue par le législateur français pour les salariés du secteur privé, l’évaluation de la « rémunération supplémentaire » fait l’objet d’un contentieux conséquent.

Selon certaines décisions de jurisprudence, il a été estimé de manière arbitraire que l’inventeur mérite un certain pourcentage du chiffre d’affaires dégagé par la commercialisation de l’invention. La plupart du temps, la jurisprudence cite les critères des conventions collectives et accords d’entreprise sans toutefois donner de montant ou de multiplicateur correspondant et sans justifier l’évaluation effectuée. Le juge semble donc quelquefois utiliser ces critères tout en évaluant « à la louche » la rémunération due à l’inventeur salarié (Voir notamment une décision du TGI de Paris du 13 janvier 2010 -RG n°07/10222 – dans laquelle le juge a considéré, concernant les brevets exploités, qu’il fallait prendre en compte à la fois « le rôle personnel du salarié dans la découverte de l’invention et la part relative de celle-ci pour l’entreprise, valeur qui ne peut être déterminée qu’au regard du chiffre d’affaires et de la marge réalisés grâce aux applications industrielles issues du brevet ».)

Une étude effectuée en 2016 par l’Observatoire de la propriété industrielle pour faire le point sur les pratiques en matière de rémunération des inventeurs salariés en France a montré que :

– parmi les entreprises qui disposent d’un système de rémunération des inventions de salariés, 60% ont mis en place un système de primes forfaitaires et près de 40% ont conçu un système qui comprend à la fois le versement de primes forfaitaires et d’une rétribution liée à l’exploitation de l’invention,

– les primes forfaitaires sont versées en plusieurs fois, à des moments clés de la vie de l’invention.

Cette étude a également permis de constater qu’en France, un inventeur salarié reçoit en moyenne un montant forfaitaire de 2 200€ pour une invention, ce montant pouvant atteindre 11 000€ selon les critères et le mode de calcul retenus.

Notons par ailleurs que l’Art. L 611-7. 1 du Code de la Propriété Intellectuelle a été amendé en 2015, suite à l’entrée en vigueur de la loi dite « Macron ». Il impose à présent à l’employeur, propriétaire d’une invention de mission, d’informer le salarié inventeur du dépôt éventuel d’une demande de titre de propriété industrielle la concernant et de la délivrance de ce titre.

Cette modification permet de placer les employeurs et les salariés sur un pied d’égalité en ce qui concerne leurs obligations de déclaration respectives.

Par ailleurs, elle pourrait avoir une incidence sur le calcul du délai de prescription des actions pouvant être intentées par un inventeur salarié contre son employeur pour réclamer une « rémunération supplémentaire ».

Conformément au Code du Travail, ce délai est de 3 ans à compter du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les éléments lui permettant de faire valoir son droit devant les tribunaux. Il correspond actuellement au jour où le salarié disposait de tous les éléments nécessaires au calcul de sa « rémunération supplémentaire ». Or, obtenir ces éléments se révèle souvent compliqué pour un salarié pour lequel la possibilité d’agir est ainsi prolongée. Selon une lecture de la loi « Macron », qui pourrait ne pas être à l’avantage des inventeurs, il est considéré que les tribunaux pourront juger que le délai de prescription commencera à courir dès que l’employeur aura informé le salarié du dépôt d’une demande de brevet ou de la délivrance du titre.

©Cabinet Bleger-Rhein-Poupon 2017

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