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IMPACT DE LA LOI PACTE SUR LA PROTECTION DES INNOVATIONS TECHNIQUES

Illustration nuage de mots Loi pacte

Les PME représentent la majorité des demandeurs de brevets en France. Pourtant leur stratégie en Propriété Industrielle n’est pas toujours en adéquation avec les solutions proposées par l’INPI. De plus, la procédure d’instruction des demandes de brevet en France (basée uniquement sur l’examen de la nouveauté) a conduit certains demandeurs à s’interroger sur la validité de leur titre et à douter du système français.

Afin de remédier à cette situation, la loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) du 22 mai 2019 a introduit en France de nouvelles dispositions en matière de Propriété Industrielle pour la protection des innovations à caractère technique qui visent à rassurer les entreprises et à leur fournir des outils toujours mieux adaptés à leur stratégie.

Ces nouvelles dispositions concernent, en particulier, des modifications dans la législation relative au Certificat d’Utilité et introduisent une demande provisoire de brevet, un durcissement des conditions de délivrance d’un brevet ainsi qu’une procédure d’opposition à la délivrance d’un brevet.

Certificat d’utilité

La loi PACTE a introduit, à compter du 10 janvier 2020, des modifications concernant le Certificat d’Utilité.

Les modifications apportées par la loi PACTE concernent :

  • la durée de protection qui est allongée et qui passe de 6 ans à 10 ans ;
  • la possibilité de transformer une demande de Certificat d’Utilité en demande de brevet « classique », ceci dans un délai de 18 mois à compter du dépôt de la demande de Certificat d’Utilité (en pratique 16 mois compte tenu de la durée des préparatifs techniques en vue de la publication du Certificat d’Utilité).

Par rapport à une demande de brevet « classique », le Certificat d’Utilité présente les avantages suivants :

  • un coût réduit (pas de paiement de la taxe d’établissement du rapport de recherche et, donc, pas d’obligation de réponse au rapport de recherche) appréciable en période de crise telle que nous la connaissons ;
  • un titre délivré rapidement ;
  • une obtention d’un titre même en cas de doute sur la brevetabilité de l’invention ;
  • un titre particulièrement approprié pour des technologies qui évoluent rapidement ;
  • une possibilité de transformer ultérieurement le Certificat d’Utilité en demande de brevet « classique » (par exemple pour s’adapter à la pertinence croissante d’une invention ou pour adapter le paiement des taxes en fonction des liquidités, notamment en période de crise comme celle que nous connaissons) ;
  • une attestation d’une date certaine de possession de l’invention (preuve d’un usage antérieur) ;
  • une incertitude des tiers, notamment des concurrents, sur la validité du titre et sur la brevetabilité de l’invention.

Cependant, le nouveau Certificat d’Utilité présente les inconvénients suivants :

  • une durée de protection limitée à 10 ans (20 ans pour le brevet « classique ») ;
  • une incertitude du titulaire sur la validité de son titre (pas de rapport de recherche et d’opinion écrite sur la brevetabilité) ;
  • une nécessité d’établir un rapport de recherche avant d’engager une action judiciaire sur la base d’un Certificat d’Utilité ;
  • une absence de visibilité sur la brevetabilité de l’invention lors de l’extension de la protection à l’étranger.

Les effets de la loi PACTE sur les Certificats d’Utilité :

  • un doublement du nombre de dépôts de Certificats d’Utilité ;
  • une prolongation de la durée de protection des Certificats d’Utilité encore en vigueur

Procédure d’opposition

La loi PACTE a introduit, à compter du 1er avril 2020, la possibilité de faire opposition à un brevet délivré en France par l’INPI.

Une telle opposition doit être faite dans un délai de 9 mois à compter de la délivrance du brevet français, ceci pour tout brevet en France délivré à compter du 1er avril 2020 ainsi que pour tout brevet en France dont le délai d’opposition de 9 mois n’a pas expiré au 1er avril 2020. Les motifs de l’opposition sont l’insuffisance de la description, l’absence de nouveauté et l’absence d’activité inventive.

Cette procédure d’opposition présente les avantages suivants :

  • il s’agit d’une procédure administrative auprès de l’INPI qui constitue une alternative à une procédure judiciaire devant un tribunal ;
  • un coût et une durée inférieurs à une procédure judicaire ;
  • un délai raisonnable d’obtention d’une décision (objectif 18 à 20 mois à compter de l’engagement de la procédure d’opposition) ;
  • un renforcement de la solidité du brevet français s’il est maintenu ;
  • les brevets de faible valeur peuvent être challengés par un concurrent qui possède, usuellement, une meilleure connaissance de l’état de la technique que les Offices en charge de la procédure de délivrance du brevet.

Les inconvénients d’une telle procédure d’opposition sont :

  • une source de tension pour le titulaire d’un brevet français fraîchement délivré ;
  • le risque, pour un titulaire, de se faire annuler un brevet (ou réduire la portée de la protection accordée) en cas de découverte, en cours d’opposition, d’un nouvel état de la technique pertinent ;
  • l’opposant-concurrent dévoile ses intentions auprès du titulaire du brevet opposé.

Les effets de la loi PACTE :

  • la première opposition a été faite le 3 avril 2020 ;
  • mais les oppositions sont, usuellement, déposées à bref délai avant l’échéance du délai des 9 mois (attention aux surprises de la fin 2020 et du début 2021).

Durcissement des conditions de délivrance d’un brevet (activité inventive)

Avant la loi PACTE, l’INPI avait la possibilité de rejeter une demande de brevet uniquement pour absence manifeste de nouveauté.

La loi PACTE a introduit la possibilité, pour l’INPI, de rejeter une demande de brevet également pour un défaut d’activité inventive, ceci pour les demandes de brevet déposées après le 23 mai 2020.

Cette nouvelle disposition présente les avantages suivants :

  • le déposant bénéficie toujours du rapport de recherche établi par l’Office Européen des Brevets et dans lequel sont soulevées, le cas échéant, des objections au titre de la nouveauté et/ou de l’activité inventive ;
  • la possibilité d’un échange avec l’examinateur au cours de la procédure d’instruction ;
  • en cas d’absence d’activité inventive, la possibilité de transformer la demande de brevet en Certificat d’Utilité (dont la durée est allongée à 10 ans ce qui reste avantageux) ;
  • le renforcement de la robustesse du brevet français un fois délivré ;
  • la mise en place d’accords avec des Offices nationaux étrangers (par exemple Patent Prosecution Highway au Japon) en vue de la reconnaissance des résultats de l’examen français pour faciliter la délivrance d’un brevet à l’étranger ;
  • un accroissement de la sécurité juridique des brevets français ;
  • une diminution des procédures judiciaires (actions en justice pour défaut d’activité inventive).

Cette nouvelle disposition présente aussi des « inconvénients », à savoir :

  • la nécessité d’étudier plus en détail les documents de l’état de la technique cités dans le rapport de recherche à l’encontre de l’activité inventive ;
  • en cas d’objection au titre de l’absence d’activité inventive, la nécessité d’établir une réponse à l’INPI plus détaillée et plus circonstanciée (mais il est alors possible d’en conserver le bénéfice dans les procédures étrangères ultérieures) ;
  • un allongement de la durée d’instruction de la demande de brevet.

Les effets de la loi PACTE sont les suivants :

  • pas de baisse du nombre de dépôts de demandes de brevets ;
  • une harmonisation de la procédure française avec la procédure européenne ;
  • une reconnaissance de la procédure française par les Offices nationaux d’autres pays dans la perspective de partenariats entre les Offices en vue de faciliter la délivrance de brevets dans ces autres pays.

Demande provisoire de brevet

La loi PACTE a introduit, à compter du 1er juillet 2020, la possibilité de déposer, près l’INPI, une demande provisoire de brevet.

Les avantages d’une telle demande provisoire de brevet sont les suivants :

  • un formalisme allégé par rapport à une demande de brevet « classique » (une description suffit, les revendications ne sont pas obligatoires) ;
  • un coût inférieur par rapport à une demande de brevet « classique » (pas de taxe d’établissement d’un rapport de recherche) ;
  • une possibilité de déposer rapidement une demande provisoire de brevet en cas de nécessité de divulguer (à bref délai après le dépôt) l’invention auprès de partenaires ou d’investisseurs ;
  • la possibilité de transformer la demande provisoire de brevet en demande de brevet « classique » (dans un délai de 12 mois à compter du dépôt de la demande provisoire), le cas échéant complété par une évolution de l’invention ;
  • l’absence de publication de la demande provisoire si elle n’est pas transformée en demande de brevet « classique » (l’invention reste secrète) ;
  • la possibilité d’un délai de 12 mois pour fournir un jeu de revendications adapté à la stratégie du demandeur ;
  • le bénéfice d’un droit de priorité pour étendre la protection de l’invention à l’étranger.

Cependant, les dispositions relatives à une telle demande provisoire de brevet présentent des inconvénients :

  • la nécessité d’apporter un soin particulier dans l’établissement des pièces déposées pour bien couvrir toute l’étendue de l’invention et les projets de l’entreprise (car de ces pièces déposées dépend la validité de la priorité qui doit répondre à des critères très précis) ;
  • la nécessité d’être transformée en une demande de brevet « classique » dans le délai prescrit (12 mois) sous peine de rejet de la demande provisoire de brevet ;
  • l’absence de visibilité sur la brevetabilité de l’invention et sur les chances d’obtenir un brevet (en France ou à l’étranger) en raison de l’absence de rapport de recherche.

Préconisations :

Malgré un formalisme requis allégé, il est vivement préconisé :

  • de prévoir une description assez détaillée ;
  • d’intégrer des équivalents techniques au moins des caractéristiques techniques principales de l’invention ;
  • d’établir au moins une revendication.

Prescription de l’action en nullité

La loi PACTE lève le doute quant au délai de prescription de l’action en nullité d’un brevet. Désormais, il n’y a plus de prescription et il est possible d’introduire, à tout moment, une action en nullité de brevet.

Conclusion

Avec la loi PACTE, les entreprises bénéficient, maintenant :

  • d’une meilleure adéquation des outils de Propriété Industrielle avec leur stratégie d’entreprise ;
  • d’une meilleure robustesse et d’une meilleure reconnaissance de leurs brevets ;
  • d’une possibilité de faire opposition à la délivrance de brevets de faible valeur ;
  • d’une possibilité de sortir d’une procédure d’opposition avec un brevet renforcé ;
  • d’une meilleure confiance dans les procédures d’obtention des titres ;
  • d’un nouveau regard sur la Propriété Industrielle plus reconnue comme un investissement que comme seulement une dépense.

La loi PACTE introduit, donc, de nouveaux outils de Propriété Industrielle mieux adaptés à la stratégie des entreprises.

Ces nouveaux outils nécessitent, cependant et de la part des entreprises, un renforcement de la gestion des risques dans la phase préparatoire des demandes (de brevet « classiques », provisoires de brevet ou de certificats d’utilité) ainsi qu’au cours des différentes étapes de la vie d’une telle demande et des titres qui en sont issus.

Votre Conseil en Propriété Industrielle reste à vos côtés pour vous accompagner dans la mise en place des outils de Propriété Industrielle les mieux adaptés à la stratégie de votre entreprise.

Emmanuel FAETIBOLD, Ingénieur – Conseil en Propriété Industrielle – Mandataire européen

©Cabinet Bleger-Rhein-Poupon 2020

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